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1999 : Rue Massenet, 44300 Nantes, avec Vincent Protat - protaTTrioreau, Isabelle Le Doussal - commissaire de l’exposition, Ecole d’architecture de Nantes
protaTTrioreauRue Massenet, 44300 Nantes
L'installation de protaTTrioreau que l'Ecole d'architecture de Nantes a accueillie dans son lieu d'exposition « La Galerie » à l'initiative d'Isabelle Le Doussal est une intervention directement liée aux préoccupations artistiques contemporaines s'agissant des rapports entre l'architecture et la vidéo. Comment rendre compte des interactions entre l'image et la construction ? Par quels procédés peut être mise à jour cette question sans proposer d'autres types de constructions mais essentiellement une réflexion sur la construction et son rapport à l'image documentaire et de fiction ? La confrontation des figures de l'architecture moderne avec les possibilités de l'image vidéo, notamment à partir de la vidéo surveillance, présente une voie décisive pour mettre en avant les dimensions sociales, culturelles et économiques qui interagissent dans tout projet de construction et d'habitation. Le film vidéo sert d'outil de recherche pour extraire ce qui semble essentiel dans l'architecture à savoir son lieu plastique de fragilité. Lent travelling vertical au coeur du bâtiment : la succession des images se poursuit jusqu'à l'irruption, à l'étage supérieur, dans une maquette-reproduction de ce même bâtiment. Le vérin pneumatique sur lequel est fixé la caméra vidéo s'élève jusqu'à traverser le plafond puis détruire, au centre de la maquette, la reproduction de ce même plafond. Les spectateurs assistent, à quelques mètres de là, à cette éventration depuis un moniteur placé au-dessus d'eux. Toute cette installation vidéo tend à renverser les perspectives normées et les repères habituels en vue de fragiliser l'édifice par la dissolution des sens de lisibilité. La destruction filmée s'interprète comme une réflexion sur l'architecture dont l'ancrage conceptuel s'appuie sur un procédé littéraire : le palimpseste.
Dans le processus de « l'architecture-palimpseste », la destruction constitue la première étape, c'est-à-dire le moment de l'enregistrement sur bande vidéo. Il convient alors de reconstruire en ajoutant le signe explicite de cette fragilité. Ce second moment, évoqué oralement par protaTTrioreau lors du vernissage, consiste à recomposer image par image, en impression sur des feuilles rhodoïds transparentes, le film de la perforation à l'aide d'une photocopieuse couleur sur laquelle le moniteur vidéo projettera le film au ralenti. En strate, les feuilles rhodoïds reconstitueront alors l'image négative de l'intérieur du bâtiment puis de la maquette à mesure que le vérin s'élève, ou l'image positive de la destruction.
A l'Ecole d'architecture, les étudiants et le public venus constater le travail de protaTTrioreau se donnaient La possibilité d'assister à une réflexion sur l'architecture menée par deux artistes dont l'essence du travail peut être entendu invariablement dans l'horizon des préoccupations concernant l'image médiatique, le droit à l'image, la vidéo surveillance, les conditions normées de représentation sociale de la propriété privée, des lieux publics, des institutions, les documentaires sur l'architecture...
A l'effacement produit par « l'architecture-palimpseste », effacement des repères spatiaux et de l'image normée de la construction, correspond aussi le titre de l'exposition qui n'est en aucun cas « l'architecture-palimpseste », lequel reste uniquement le concept, mais simplement l'adresse postale du lieu détruit : RUE MASSENET, 44300 NANTES. Doivent alors demeurer exclusivement l'image et l'adresse afin que persiste l'idée par laquelle l'art entre toujours par effraction, ne laissant comme trace que l'empreinte intentionnelle du passage dans le lieu, avec ici, cela paraît évident, le singulier plaisir d'être intervenu dans une école où l'on apprend à construire durablement.
Jérôme Diacre
Zéro Deux, numéro 12, p. 4