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2002 : Greg Larsson, Images d'Agence - 46, rue Gustave Eiffel, 18000 Bourges, Axe Libre / http://www.axelibre.org/plastiques.php?var=image_agence
une exposition de l'Agence d'artistes du Centre de Création Contemporaine
Images d’Agence II
Jusqu'au 18 mai 2002
Portés par l'audience très positive de cette exposition, le CCC et la Scène Nationale ont décidé de poursuivre l'expérience à chaud avec une deuxième mouture intitulée « Images d'agence II ». Sur un principe identique - présenter des projets produits par l'Agence d'artistes - il s'agit cette fois, comme le titre ne l'indique pas, d'oeuvres qui s'articulent notamment autour de l'objet, de l'installation, de la vidéo. A nouveau, on notera la présence très forte d'une génération montante d'artistes, dont certains sont issus de la région où le CCC est implanté.
Parmi ces artistes figurent Philippe Ramette avec son « Piercing » (1998) géant, Stéphane Calais dans une composition picturale sobrement nommée « Couleurs » (1998), Kristina Solomoukha qui avec « Sans titre » (1998) , propose une vision de la ville abstraite dans une maquette-installation en plexiglas. Alec de Busschere, Franck Scurti, Boris Achour, Saadane Afif, Mathieu Mercier y présentent également des pièces qui prennent possession de l'espace et développent un parcours en deux et trois dimensions au sein des volumes généreux du théâtre.
Premier bilan. Après six ans d'activités, le Centre de Création Contemporaine de Tours a choisi d'exposer une quinzaine de projets produits dans le cadre de l'Agence d'artistes. Dispositif original, l'Agence d'artistes est une des activités les plus récentes du centre d'art, tournée vers la production de projets et d'œuvres, sans lien imposé avec la programmation d'expositions. Le CCC accompagne la réalisation d'une pièce, de sa conception à sa production, sur les plans artistique et technique mais également sur le plan financier. Ce qui permet l'émergence de projets parfois délicats à concrétiser en raison du coût de leur développement. L’Agence se veut également un interlocuteur pour les partenaires publics, les associations qui souhaitent développer des projets par exemple de commande publique. Depuis ses débuts, l'Agence d'artistes a produit une cinquantaine de pièces, montrées soit dans l'espace urbain, soit dans le cadre de manifestations en France et à l'étranger ou encore au CCC.
« Images d'Agence » - titre de l'exposition que le CCC présente au Carré St Vincent - Scène Nationale d'Orléans, regroupe une dizaine d'artistes ayant bénéficié du concours de l'Agence : Ryuta Amae, Alec de Buschère, Pierre Joseph, Guillaume Janot, Nicolas Moulin, protaTTrioreau, Sam Samore, Anne-Marie Schneider, Allan Sekula et Bruno Serralongue. La quinzaine d'œuvres exposées s'articule autour de la thématique de l'image dans le travail des plasticiens, qu'elle soit abordée sous l'angle du portrait, du documentaire, de la représentation de l'architecture et de l'urbanisme ou de la fiction.
Il faut retenir surtout de l'exposition la confrontation d'œuvres qui, réunies, dégagent une ligne de force faite de multiples passerelles. Chaque production de l'Agence étant sa propre fin, les pièces n'ont pas de rapport a priori et restent des projets singuliers. C'est bien l'ambition de l'Agence : produire des projets qui gardent leur cohérence, quelque soit leur exploitation ultérieure (exposition, publication, intervention dans la ville, extension ...). Il s'agit donc d'œuvres, et c'est en tous cas le pari de l'Agence, qu'il est possible de réactualiser ou recontextualiser à loisir.
A cet égard, certaines posent la question de façon beaucoup plus simple que d'autres. Les photographies sur le concert de Johnny Halliday à Las Vegas de Bruno Serralongue, grands tirages couleurs de portraits de fans, où les images numériques du japonais Ryuta Amae sur des architectures improbables, oniriques et finalement angoissantes, constituent des travaux dont la monstration est somme toute classique. De même pour les photographies de Guillaume Janot sur le quotidien et sa dimension fictionnelle, où les personnages semblent raconter une histoire en « jouant » leur vie. Il en va différemment des projets de Pierre Joseph ou de protaTTrioreau.
Dans le premier cas, « Little democracy » de Pierre Joseph, est un projet de 1997 qui a suivi un processus de création tout à fait particulier. L'artiste a créé une sorte de galerie de personnages qui fait partie de son univers et qui constitue pour tout un chacun une sorte de mythologie contemporaine. On y retrouve les figures de Blanche-neige, du CRS, du plongeur, de Superman, au total une vingtaine de personnages. Pierre Joseph a d'abord réuni ces figures sous la forme d'une exposition au CCC, où des personnes « en costume de » attendaient les visiteurs et jalonnaient les espaces du centre d'art. De cette sorte de performance, Pierre Joseph, avec la complicité du photographe de mode Philippe Munda, a réalisé un ensemble de photographies, objet de la production de l'Agence. Deux séries ont été produites ; 20 sérigraphies au format affiche qui peuvent être présentées dans l'espace urbain, et 20 autres montrées dans le cadre d'expositions.
A la Scène Nationale, lieu de création et de diffusion consacré entre autres au spectacle vivant, les photographies de Pierre Joseph ont été installées comme des jalons du parcours du visiteur. On les retrouvent dans le hall, à l'entrée des salles de spectacles, dans la coursive des escaliers, un peu comme si l'œuvre accompagnait le spectateur en l'emmenant à travers des histoires imag(in)ées.
« 46 rue Gustave Eiffel, 18000 Bourges », projet du binôme protaTTrioreau - ndlr Vincent Protat et Hervé Trioreau, pose la question de la réactualisation avec encore plus d'acuité. La pièce présentée à Orléans est un caisson lumineux de 2,5m sur 1,6m où sur chaque face est installée une photographie cibachrome. Réalisée initialement pour La Box, galerie de l'Ecole nationale supérieure d’art de Bourges, l'œuvre a été produite par l'Agence d'artistes avec la conviction qu'elle pourrait s'adapter ailleurs. Sa présentation dans cette exposition est en quelque sorte une vérification de ce postulat. En effet, à Bourges le projet était spécifique au lieu. Les trois baies vitrées donnant sur la rue avaient été déposées, le caisson lumineux était installé sur un rail pouvant le faire sortir de la galerie pour « entrer » dans l'espace public. Les baies externes constituaient les entrées, où deux passerelles construites rendaient La Box ouverte de jour comme de nuit. L'installation jouait sur le rapport intérieur/extérieur, espace privé/espace public. Les deux photographies représentant le premier immeuble de logements sociaux d'un quartier du nord de Bourges, confrontaient la réalité du centre urbain historique avec la périphérie et ses espaces intermédiaires.
Au Carré St Vincent, il s'agissait de donner son autonomie au caisson lumineux. Placé au niveau de la mezzanine et dominant l'espace du hall, le caisson se transforme en une enseigne lumineuse, symbole de la ville à l'extérieur, que le visiteur vient de quitter en pénétrant dans le théâtre. Il fait signe et renvoie l'observateur au dehors, avec d'autant plus de force que sa présence physique, visuelle est quasiment incontournable. Enfin, il annonce de façon synthétique et efficace les enjeux de l'exposition du CCC dans l'exploration des images par les artistes. Un approfondissement supplémentaire pour protaTTrioreau, dont la démarche artistique se concentre sur les rapports entretenus entre la ville, l'architecture, les habitants, l'interaction de ces phénomènes urbains entre eux et la perception que l'on peut en avoir.
L'ensemble des pièces constitue un parcours que le CCC a choisi de construire en osmose avec le lieu qui l'accueille. Plus que d'une présence affirmée, on peut parler d'une subtile diffusion. Ainsi du projet de Sam Samore « The Magic Bed », qui pour impressionnant qu'il soit, a été installé dans l'espace galerie qui devient une monumentale alcôve plongée dans l'ombre. « The Magic Bed » se présente en un lit de taille démesurée, muni de coussins à la disposition des visiteurs. Au dessus du lit, quatre moniteurs en suspension diffusent des contes lus par des acteurs, dont les visages alternent avec des plans sur des espaces naturels.
Métaphore d'un espace où les sens se confondent avec la psychologie de chacun, « The Magic Bed » donne à expérimenter la distance entre notre perception des éléments extérieurs qui nous stimulent et la réalité. Plongé dans l'univers qui lui est offert, le spectateur se laisse aller sur un itinéraire à mi-chemin entre rêve individuel et données fictionnelles visuelles et sonores.
Le Centre d'art, au regard de cette expérience plutôt réussie, s'interroge aujourd'hui sur l'avenir de l'Agence et sa possible autonomisation fonctionnelle et de lisibilité. L'heure est à une réflexion au cadre assez large, puisqu'un certain nombre d'aventures similaires, bien que peu nombreuses, existent tant dans la sphère privée - fondations, galeries - que du fait d'initiatives d'artistes tel Fabrice Hybert qui a créé UR, une structure chargée de l'accompagnement et du financement de projets. Nous sommes sûrement à un moment charnière, où ces projets vont aller en se multipliant. Car dans un contexte où les artistes interviennent en des lieux de plus en plus hétérogènes, où les coûts de production augmentent, où les actions relèvent autant du projet que de la production d'une œuvre, une structure comme l'Agence d'artistes répond aux besoins de démarches désormais multiformes.
Greg Larsson
« Images d'Agence »
Carré St Vincent - Scène Nationale - 45000 Orléans
http://www.orleans.fr/scenenationale