solo exhibitions
2000 : 9, rue de Charonne, 75011 Paris, avec Vincent Protat - protaTTrioreau, Galerie Le Sous-sol, Paris, avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication, la DAP et le CNAP - aide à la première exposition
Une première phase a été réalisée deux fois : la première, dans une maison désaffectée, 35, RUE MARCEL TRIBUT, 37000 TOURS en octobre 1998 et la deuxième, en novembre 1999, à l'Ecole d'architecture de Nantes, RUE MASSENET, 44300 NANTES. Une caméra de surveillance couleur, posée sur un vérin hydraulique télescopique, traversa le plafond d'une salle pour détruire à l'étage supérieur l'intérieur de la maquette de ce même espace architectural en opérant un travelling vertical. Le film vidéo de la destruction, procédant à la mise en abîme du lieu, a été retransmis à l'entrée, au-dessus du seuil de cet espace que l'on découvrait d'un point de vue peu habituel, traversé du sol au plafond.
La seconde phase a pour cadre la galerie Le Sous-sol, 9, RUE DE CHARONNE, 75011 PARIS où sont exposées les archives de la destruction : un moniteur diffuse le film vidéo dans la première salle et dans la deuxième salle, un moniteur diffusant le même film vidéo est couché sur une photocopieuse couleur qui en reproduit les images. La stratification des copies (feuilles de plastique transparentes) reconstitue ainsi l'image inversée du bâtiment détruit et forme elle-même, par entassement, une architecture-palimpseste.
Investissant ces espaces, protaTTrioreau exhibent la production de structures anomales, ou irrégulières, immanente au champ de normalisation urbaine. L'architecture n'est statique que par l'identité contrôlée que celle-ci assigne. En proposant une perspective alternative, l'installation l'inscrit comme processus polémique. Elle interroge notre confiance en la solidité structurelle du bâtiment, en son immobilité et sa permanence, pour le décrire comme intervalle, passage ou transition.
Le travail de protaTTrioreau, issu de la réunion de deux jeunes artistes, Vincent Protat et Hervé Trioreau, s'inscrit dans une réflexion liée à la nature du réseau urbain. Leurs propositions, installations spatiales et visuelles, agissent sur les structures même de l'espace construit. Elles mettent en place des déplacements qui perturbent et désignent, de façon politique, le caractère normatif de l'architecture. La forme architecturale ne s'érige plus d'un sol mais à l'intérieur d'une expérience critique. Elle ne prend consistance et n'acquiert une réelle existence qu'au moment où elle met en jeu un dialogue au sein duquel l'image assume le rôle de vecteur communicationnel apte à déterritorialiser notre perception. En jouant sur les modes de représentation de l'espace architectural, son échelle, ses limites, jusque sa réalité, protaTTrioreau entend révéler la pluralité et la mobilité des points de vue. Central et prescriptif dans la perspective classique, l’œil est devenu mobile face à une nature désormais fragmentaire et contingente : passage de la tavoletta, le prototype par lequel l'espace moderne de visibilité s'est trouvé institué (à l'origine de la perspective), à la quadratura, une respiration spatiale ouvrant un infini dans l'architecture, la dissolvant dans la lumière, où l'espace feint se confond avec l'espace réel.
Destruction en duo
Vincent Protat et Hervé Trioreau sont encore inconnus du grand public. Pourtant ces deux jeunes artistes, plus connus sous le nom de protaTTrioreau, ont réalisé ces trois dernières années plusieurs œuvres stupéfiantes de lucidité et de maturité. Leurs propositions s’attachent à analyser notre contexte urbain, à révéler combien la structure économique et sociale des villes dépend désormais de processus de normalisation sans aucune autre logique que celle du profit. Pour leur première exposition à Paris, ils ont choisi de présenter un projet dont une première version était déjà visible l’an dernier au CCC de Tours. Dans une maison abandonnée, vouée à la destruction, ils avaient placé une caméra au rez-de-chaussée, qui grâce à un vérin hydraulique transperçait le plafond pour aboutir dans l’intérieur d’une maquette de la même maison. Sur un moniteur, le spectateur pouvait suivre l’évolution de cette destruction. Aujourd’hui, la Galerie Le Sous-sol présente les archives de cette intervention. L’installation se compose d’un photocopieur couleur couplé au moniteur où est diffusée la vidéo de la destruction. Chaque image est reproduite en direct sur un papier transparent. Lentement, la pile de photocopies reconstitue en trois dimensions le déroulement de la destruction. En jouant sur notre fascination naturelle face à toute image violente, en anticipant la destruction réelle de cette maison, protaTTrioreau racontent sur un mode dramatique combien nos habitations, nos maisons et immeubles ne sont plus que des éléments sans importance dans le monde aujourd’hui.
Damien Sausset
L’oeil, numéro mars, p. 86, 2000